Au XIXe siècle l’invention de l’électricité a permis de révolutionner le monde industriel et de prolonger l’espérance de vie. Au XXe siècle, grâce à l’avènement de l’internet, les nouvelles technologies révolutionnent tous les secteurs de la vie active à un rythme jamais égalé de toute l’histoire de l’Humanité. Cependant, si certains secteurs de la vie socioéconomique sont optimisés, d’autres tournent au ralenti et disparaissent. Le marché de l’imprimerie en général et celui des journaux papiers en particulier, font partie de ces secteurs menacés. Face à cette crise latente, certaines actions s’avèrent nécessaires de la part des gouvernants et des acteurs de ces secteurs pour faire face et s’adapter au changement.
Selon un constat général, la baisse des ventes des journaux papier en Afrique francophone est dû à plusieurs raisons parmi lesquelles: la pauvreté, le faible pouvoir d’achat de la population, la qualité médiocre de l’éducation (taux d’analphabétisme très élevé) et aussi, et surtout l’avènement des nouvelles technologies d’information et de communication.
Avec les téléphones mobiles hyper connectés, les utilisateurs ont repris le pouvoir. Le pouvoir du choix et celui de l’attention dictent désormais les achats. Avec les formats de livres électroniques, téléchargeables, et souvent gratuits, les organes de presse perdent de la clientèle; ils ne s’étaient pas préparés à cette guérilla 2.0. Désornais, ils se disputent l’actualité à la une, avec les threads des utilisateurs, par le biais de leurs commentaires, post, statuts et votes sur les réseaux sociaux, 24 heures sur 24. Le lecteur semble avoir perdu le goût de la lecture sur le support papier, car un peu ennuyant et… polluant, diront les activistes environnementaux. En effet, c’est une question de vie ou de mort…de la planète. Les écologistes font pression pour que cesse le marché du bois, cette matière première de laquelle le papier est fabriqué et dont les activités des usines polluent la couche d’ozone dans l’atmosphère!
Après l’ère des indépendances sur le continent, dans plusieurs pays africains, l’âge d’or de la presse écrite, remonte vers les années 1980-90. Dans plusieurs pays africains, il n’y avait pas plus de deux chaines de télévision ou de radio, ce qui permettait à la population de se focaliser sur les chaines nationales et consommer l’information fournie, acheter des journaux et autres magazines spécialisés.
Aujourd’hui en RDC, aucun journal papier, ni de bande dessinée n’a égalé la revue Jeune pour Jeune[1], qui tiraient à plus de 100.000 exemplaires papiers le mois. Personnellement, j’ai travaillé pendant cinq ans pour Kin Label, une organisation dont la principale activité était d’éditer un magazine de Bande dessinée et de le vendre auprès des jeunes. Malgré la subvention de la coopération belge (via Africalia) pour la conception et la paie des auteurs, nous n’avions pas pu continuer à cause de la distribution qui n’était pas adaptée aux vraies réalités des consommateurs d’une part. Et d’autre part, les habitudes des lecteurs commençaient d’être influencées par les autres médias sur le marché du livre. Dix ans plus tard, le marché du livre à Kinshasa, ne nourrit pas son homme. Pour vendre, il faut plus de publicités; exposer les produits aux potentiels clients en utilisant plusieurs canaux.
« Le tirage de Kouakou a atteint près de 300 000 exemplaires, 6 numéros par an, diffusés dans plus d’une quarantaine de pays. La revue était lue par près de 30 millions de lecteurs, chaque exemplaire circulant en moyenne auprès de 15 lecteurs au gré des prêts ou de la location »[3]
On se souviendra de Kouakou[2] et Calao, magazines qui étaient distribués par les centre culturels français dans plus de dix pays francophones en Afrique noire, qui a disparu de nos jours.
Plus tard, Planète Jeunes magazine[4] va tenter de suivre l’élan de Kouakou, mais ne s’aura tenir le coup.Aujourd’hui à Kinshasa, le quotidien « Le Potentiel[5] créé en 1982, l’un des rares journaux qui paraissent en ligne et sur papier, est tiré à 4.000 exemplaires x 4 jours de la semaine. » D’après, Mr Bienvenu Ipan, un confrère qui y travaille : « Les lecteurs achètent, mais les ventes sont vraiment timides. Il y a une baisse des ventes du journal. »
Fort de ce qui précède, nous constatons que le pouvoir d’achat des consommateurs est très faible, et le coût de la fabrication et de la distribution des journaux reste très élevé. Entre les deux. Il y a l’alternative d’un service de qualité supérieure et à moindre coût, offert grâce à l’accès à l’internet et aux NTIC[6]. Pour le consommateur, le choix est clair.
Cependant, plusieurs entrepreneurs, anciens lecteurs et nouveaux évangélistes de l’ère du développement personnel croient, dur comme fer qu’il reste encore une chance pour faire renaitre les ventes des journaux et livres papiers.
Dans le monde comme sur le continent africain, la chute des ventes des journaux papier est une réelle menace pour le secteur de l’imprimerie en général et pour la vie des auteurs en particulier. À ce jour, il semble que nous traversons une période charnière entre le monde dit d’avant la crise sanitaire et celui d’après la crise. Cependant, plusieurs questions demeurent sans réponses: le #numerique est-il la solution aux problèmes des auteurs en Afrique francophone? Comment anticiper le prochain mouvement révolutionnaire dans le secteur éditorial qui a du mal à dresser ses racines dans le numérique? Et comment la génération Z, accro au numérique va-t-elle à son tour négocier le virage du monde virtuel (3D), déjà prédit par le Métavers de Marck Zuckerberg?
» Qui lira, verra! «
Rédigé par Jason Kibiswa
Notes
[1] Jeunes pour Jeunes : https://www.mbokamosika.com/article-la-revue-jeunes-pour-jeunes-52217475.html
[2] Kouakou : http://www.citebd.org/spip.php?article10801
[3] http://www.citebd.org/spip.php?article10801
[4] J’ai presté pour Planète Jeunes, édité à Ouagadougou par Bayard Presse, entre 2010 et 2013 comme Illustrateur.
[5] https://www.lepotentiel.cd/
[6] NTIC : Nouvelles Technologies d’Information et de Communication
[7] Selon Google : 62 % des Africains ont moins de 25 ans. 70 % des Subsahariens ont moins de 30 ans. Avec plus de 200 millions d’habitants âgés de 15 à 24 ans, l’Afrique est composée de la plus forte population de jeunes dans le monde